« Cette année encore les stages d’été nous ont plongés dans une ambiance musicale hors du temps, joviale, créative et spontanée. Équipés de micros, d’instruments, et de verres d’eau, nous avons instauré un cadre rafraîchissant pour tous. Chaque séance a débuté par un petit tour des ressentis, comme une façon de prendre le pouls du groupe, de capter les envies musicales du moment. Très vite, la chanson a pris le relais de la parole : quoi de mieux qu’un classique du répertoire – un Cabrel, un France Gall – pour se mettre à vibrer sans retenue ni exigence ? Il suffit d’une chanson ou deux pour que même les plus effacés rejoignent discrètement un refrain. Certes l’élocution de la plupart des stagiaires est ralentie par leur handicap (Infirme Moteur Cérébral), mais la source est bien là, c’est cette vibration intérieure, celle qui fait se contracter les poumons pour émettre un cri, un son, une note.
« hoo ho…On dirait le Suuud.. «
« …L’aaaaamouuur c’est toi, l’amouuuur c’est t-moi »
« Où t’es où t’es Où t’es, Papoutai »
Autant d’invitation à se lâcher tout en se connectant aux autres – voir à la société entière.
Rire et s’exprimer
Évidemment il faut aussi canaliser les énergies, permettre aux voix légères ou lentes d’être entendues. C’est pourquoi chacun-e a pu prendre le micro, faire respecter sa voix, et faire passer la parole à son voisin. Lorsqu’un couplet se perd en route, c’est l’improvisation qui prend la relève : une stagiaire se met à chanter en yaourt, un autre nous raconte sa journée sur un air des Choristes… et le groupe renchérit, non sans humour.
On a bien rigolé, d’ailleurs. D’un rire parfois moqueur, mais jamais malveillant. Par exemple, on a pu entendre un des stagiaire en fauteuil électrique remixer les paroles de « Vois sur ton chemin ». Cela donne à peu près : « Vois sur ton chemin, moi j’veux passer… mais y’a encore ta bagnole qui m’empêche… Non mais moi j’vais m’énerver ! Pousse-toi HO !… ». Et le groupe renchérie « hoooo ho hooo » nerveusement, toujours en chantant. Une bande de fous, et on assume ! Si les gens trop ordinaires n’ont pas compris cet humour, on les invite à passer !
Musique improvisée
S’en suit un temps instrumental improvisé, dépassant les codes esthétiques habituels. Une vingtaine de minutes consacrées à manipuler des instruments aux sonorités et formes très variées, allant du tambour buffalo à l’harmonica, en passant par la guitare ou le xylophone – et notre préféré : la flûte à coulisse. Ici, le but est de se déconnecter de la technique, se mettre dans la perception musicale globale, et bien sûr se défouler un peu ! L’ensemble forme une sorte de pâte sonore continue, de laquelle peut émerger des passages rythmiques très marqués, ou au contraires de longues nappes méditatives, ou encore des sifflements très bavards… Le tout en veillant à ce que personne ne se sente écrasé par l’ensemble.
L’atelier se termine par un retour au calme et une attention sur les ressentis à chaud. « A chaud » est l’expression appropriée. Parce qu’on est en été, oui – quoique protégé par la fraîcheur de la salle semi-enterrée – mais surtout parce que la musique génère cette chaleur, tant physique qu’humaine. Parfois les angoisses et excitations remontent à la surface en pleine musique. On finit lessivés, on s’est exprimés.
On boit un verre d’eau, et on se dit au revoir.
A l’été prochain ? «
Raphaël Colombier, intervenant stages d’été à Léthé Musicale