Dans le mythe de Léthé (déesse de l’oubli), les éléments sont très présents. Ils participent au mouvement salvateur que suscite l’oubli dans le psychisme humain.
Christine KOSSAIFI, agrégée de Lettres Classiques et docteur de grec ancien s’est appuyée sur ce mythe grec. Elle démontre le bénéfice de l’oubli chez l’être humain.
Dans son exposé intitulé « L’oubli peut-il être bénéfique ? L’exemple du mythe de Léthé : une fine intuition des Grecs », elle écrit :
« …Son ascendance et son identité de fleuve infernal mettent Léthé en relation avec au moins trois des quatre éléments, à savoir la terre (elle est fille de Gaia), l’air (elle est fille d’Ether) et l’eau (elle est un fleuve); elle est même associée à la chaleur du feu chez Platon, ce qui fait d’elle une divinité cosmique primordiale.
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Dans la tradition mythologique orphique, deux sources se trouvent à la croisée des chemins, à droite celle de Mémoire, qui « permet à l’âme de renouer avec les réalités divines et célestes » et, à gauche, celle de Léthé, qui « l’écarte de ces réalités ». Mais Léthé ne transcrit pas simplement un danger; elle est une voie vers la connaissance qui implique une mort symbolique. Léthé suggère une descente en soi, un oubli qui rend réceptif au message oraculaire, parce qu’elle permet une détente psychique de l’être, ouvre l’âme à l’extase dionysiaque et libère les forces obscures de la psyché.
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Léthé invite à dépasser le stade de la douleur pour permettre à la médecine d’être réellement efficace : en soignant le psychisme, elle apaise le corps. Ainsi le mythe dessine une figure ambivalente, faisant de Léthé une puissance de destruction mais aussi un principe de création.
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Chez Platon, la Léthé est un passage incontournable avant le retour à la vie : Léthé lave l’âme de ses souvenirs, rendant à la toile de la vie sa virginale pureté. Dès lors, il est possible, dans les limites imparties par le destin, de construire sa personnalité et de façonner son existence. Léthé agit d’une façon proprement cathartique, comme le suggère la présence, dans le mythe d’Er, de deux des quatre éléments, le feu et l’eau. Le premier, qui fait régner une « chaleur étouffante et terrible », prépare l’âme à sa purification comme le feu du bûcher prépare son voyage en consumant le corps et régénère l’univers : pour vivre, il faut mourir. L’eau, dont le principe divin est souligné par son caractère insaisissable et sa nature réfractaire à tout contenant connote l’insouciance, l’absence de souci. Ainsi Léthé apaise l’âme, efface le désir de révolte et le souvenir du jugement infernal, permettant ainsi à la vie et à l’espoir de renaître au coeur d’une nouvelle liberté. »